vendredi 7 novembre 2025

Une excuse et une grâce


Les Enfants de Timpelbach · Un sécularisme déplacé · Une excuse et une grâce

D'abord, quand Henry Winterfeld commença son roman, il n'était pas encore en Autriche, ou alors il venait d'arriver. Il était à Hambourg, encore ou récemment. On peut entre autre le comprendre quand la bande des méchants s'appelle "les Pirates" ... à Hambourg il y a une statue de Klaus Störtebeker, certes de bien après 1933, puisque son sculpteur est né en 1930. Si les bons sont pas mal intéressés d'une répartition équitable des ressources, c'est à la limite parce que les Vitaliens (dont Störtebeker) s'appellaient aussi Likedeeler = réparteurs à égalité.

Si à Hambourg même les adultes se font mal dans les excès, je pense avoir vu des vomitoires à côté des toilettes en Allemagne du Nord (en passage en 2004, sur mon pèlerinage), ça explique aussi pourquoi dans le roman les enfants dépourvus de parents, ceux dans la bande d'Oscar Stettner, mangent chocolat et boivent limonade et bière jusqu'en avoir mal.

Mais encore plus important. Il commence à écrire quand son fils Thomas Henry Winterfeld (plus tard océanographe) avait la scarlatine. Quand un fils de dix ans a la scarlatine, on ne gaspille pas du temps en documentation minutieuse, on raconte. Tel est l'excuse de Henry.

Pour grâce ... j'avais l'impression, peut-être après vandalisme sur la wiki, que c'était en 1932 que le fils avait la scarlatine. Or, dans ce cas, le récit aurait pu lui inspirer en partie l'exile en Autriche. Un bon réfuge avant l'Anschluss. Comme déjà dit./HGL

mercredi 5 novembre 2025

Un sécularisme déplacé


Les Enfants de Timpelbach · Un sécularisme déplacé · Une excuse et une grâce

Imaginez qu'un auteur dont on sait une connection à une église évangélique aurait imaginé un récit placé dans un village du Mexique où l'on détestait de célébrer Santa Muerte, bien qu'on soit Catholiques. Ou placé dans un village de la Chine, où l'on n'aimait pas les dragons du Nouvel An Chinois. Dans le village en Mexique, personne ne dit "Santa María" et dans le village en Chine personne ne dit à quelqu'un en difficulté "que Bouddha soit avec toi" ... "guide tes pas" (bon, ça fait longtemps que je n'ai pas lu He Pao par Vink et encore plus longtemps depuis que j'avais accès à des BD avec Marco Polo et son ami le jeune Ouïghour, les Ouïghours étant au feu royaume de Qocho encore Bouddhistes au temps de Marco Polo). On aurait conclu, sans hésiter, que l'auteur, malgré le fait de cacher son biais anti-Catholique ou anti-religions-de-la-Chine, en avait, et qu'en écrivant, il avait sacrifié le réalisme à ce biais.

Je vais peut-être donner un jugement un peu plus clément que ça pour Henry Winterfeld, mais entretemps, Timpelbach, pourtant une ville catholique, n'est ni décrit par un Catholique, ni par quelqu'un qui connaît bien le Catholicisme. Et puisque le Catholicisme d'Autriche et d'Allemagne du Sud donne des "mauvaises vibrations" à certains, je vais faire un excursus. Non, si le Catholique de cette région et de cette époque avait une tendance antisémite assez prononcée (tendance assumée mais aussi retenue chez le régime auprès duquel Henry Winterfeld fleurissait à ce temps), ce n'est pas par fondamentalisme à propos la prière Oremus et pro perfidis judæis. Ce n'est pas en ignorant tout ce qui s'est passé depuis la Crucifixion. Ce n'est pas même en souvenir de martyrs garçons (Bx. Simon de Trente, que je considère effectivement égorgé par des Juifs, très minoritaires et mal à l'aise dans cette ville, Bx. Andrée de Rinn, pour lequel je pense plutôt que des Juifs strictement absents ont servi pour innocenter l'oncle que je considère comme le vrai coupable, probablement pour avoir l'excuse du lévirat pour épouser la mère du Bx. Andrée, veuve, mais ayant un fils, un héritier mâle, jusqu'à la mort d'Andrée). Non, c'est par une méprise, quelque part ridicule, mais pas incompréhensible, de ce qui se passait dans la Commune.

Récit réel, pour deux faits. D'un côté, les Rothschild soignent gratuitement les Communards, et en gratitude, quand ceux-ci pillent des villas des riches, ils épargnent les Rothschild. De l'autre côté, Auguste Blanqui est une ordure d'anticlérical, et il conseille ou ordonne aux communards d'égorger les ôtages, dont l'archevêque de Paris. Les deux fait ne sont pas cause et effet, ils sont deux effets séparés du fait que les Socialistes (d'une école anglaise) étaient à la fois contre l'Église Catholique et plutôt pour les Juifs et les Franc-Maçons, dont les Rothschild et Blanqui.

Récit raccourci. On omet que les Rothschild soignent gratuitement les Communards. On omet le mobile de la gratitude. On omet le rôle de Blanqui. La perspective qui en résulte est à peu près que les Rothschild manipulent la Commune à sa perte et aussi à l'égorgément des prêtres catholiques. C'est comme ça que les germanophones catholiques voyaient les relations entre Juifs, Socialisme et Anticléricalisme on ne peut plus farouche. On ne peut pas prétendre que la Révolution russe avait pu raisonnablement à leur changer les idées là-dessus. C'est comme ça, faut pas en vouloir plus que ça, même si vous êtes (par quelque hasard qui arrive parmi mes lecteurs) Juif.

J'espère avoir dédémonisé le Catholicisme sud-allemand et autrichien des décennies avant la Seconde Guerre mondiale, et je vais maintenant dire un mot sur le fait comment il manque au récit de Winterfeld.

Le héro et l'écrivain du récit dans le récit, Michael Manfred, a du flair pour les choses techniques. Il a vu comment on conduit une voiture, mais il ne l'a jamais fait. Il se planque et se trouve en train d'aller en arrière et il est arrêté par la statue de St. Matthieu. L'automobile s'arrête. La statue tombe. Je pensais pourtant que la statue se trouvait dans une fontaine un peu plus vaste, et je pensais que la fontaine allait amorcer l'essor en arrière de la voiture, mais bon. La statue tombe, et les enfants sont un peu choqués. Mais personne entre eux pense à dire "pardon, Matthieu" et personne ne fait un signe de la croix en prière de réparation. C'est comme si une statue de St. Matthieu à Timpelbach et une statue à Martin Luther par l'Église de St. Michel à Hambourg, c'est kif kif ... pas de quoi enthousiasmer personne.

En fait, personne ne fait un signe de la croix, personne ne dit "Jésus, Marie, à l'aide" (en allemand "Jesus, Maria, hilf!"), personne ne prie un Ave Maria, personne ne marmonne un chapelet.

Les enfants de Timplebach ne sont pas d'Autriche, surtout pas de l'Autriche de cette époque là, ils sont de Hambourg, ou Berlin, où Bismarck avait fait une œuvre parallèle à Jules Ferry et à Émile Combes, et où donc la jeunesse se passait assez bien de religion, à moins de verser dans l'idéalisme. Si vous connaissez le personnage Pony Hütchen et le roman Emil und die Detective, vous savez exactement de quel genre de jeunesse je pense. Personne ne prie, parce que personne a une foi prononcée en Dieu. Pour Berlin de l'époque d'Erich Kästner, pas mal vu. Très juste. Et le Hambourg que Henry Winterfeld avait connu avant de se réfugier en Autriche, pas trop différent. Mais Autriche était à cette Allemagne à peu près ce que Mâlines au temps du Cardinal Mercier était à la Troisième République. Le Catholique a une relation à la fois sacrée et personnelle avec St. Matthieu, même en simple statue. Winterfeld n'aurait jamais écrit pareil sur les téfilim d'un Juif harédi.

Et si Timpelbach a une église, pourquoi le curé est-il totalement absent de l'histoire ? Winterfeld l'ignorait peut-être, mais normalement une église catholique est desservi par un prêtre qui célèbre la Messe chaque jour. Imaginer que l'Église de St. Matthieu (c'est dit église et non chapelle !) ait pu rester vide, à part la sonnerie des cloches (que Winterfeld a le bon goût de noter), même en semaine, pour quelqu'un qui connaît la religion catholique, c'est de la pure folie. Ce n'est pas comme de nos jours de déchristianisation et de déruralisation, où le dénier de trois ou cinq églises de nos jours baisse en dessous le dénier qu'avait autrefois une seule, en termes du pouvoir d'achat. Ah non. Autriche des années 1930, le Catholicisme était fort (et il était le rempart du régime Austrofasciste et donc du réfuge qu'avait trouvé Henrey Winterfeld). Vous vouliez sortir de l'Église ? Vous deviez vous soumettre à une examination par psychiatre, ou en pays de Salzbourg, six semaines d'arrestation chez la police avant d'avoir le dossier considéré. Un Catholicisme tellement fort a une forte base populaire, il n'est pas possible d'imaginer un Timpelbach en 1937 qui aurait manqué du prêtre. À la limite, il aurait fallu expliquer que le vieux curé avait dû partir en hôpital et même alors un chapelain pour le remplacer temporairement aurait été trouvé quelque part à Kollersheim en moins de 24 heures.

Il est également impossible qu'un curé Catholique aurait délaissé son église pour obéir à l'injonction de la mairie. Il n'aurait pas délaissé la sacristie et encore moins le tabernacle à une ville remplie d'enfants voyous. Et il n'aurait pas délaissé les enfants non plus. Willy Hak au moins, ayant fait peine à un chat sans aucune nécessité ou utilité, se trouvait en péché mortel, et le prêtre aurait voulu être là pour entendre la confession, même si elle risquait de tarder.

Impossible également qu'il n'aurait pas fait d'objections au plan, et, Timpelbach n'étant pas Clochemerle, impossible qu'on ne l'aurait pas entendu. Et encore, s'il avait par quelque insouciance pu se déplacer avec les autres pour une excursion, impossible que les gardiens de frontière à l'Italie n'auraient pas respecté son avis qu'il fallait vite retourner aux enfants. Mais peut-être Timpelbach serat plutôt censé se trouver vers la frontière de Bavière, et pourtant, même NS par commodité, là-bas, ils auraient respecté un prêtre catholique. Les NS ont certes persécuté l'Église, mais en des mesures diverses, c'est plus facile de priver un évêque catholique de permis (il avait roulé vite en allant vers un mourant) s'il se trouve à Dresde (ville natale d'Erich Kästner) que s'il se trouve à Munich.

À part le mauvais goût sur la statue, il y a un manque très pertinant de documentation sur le genre de situation, un manque de réalisme. Ce n'est pas à Cornouailles que les hommes portent le kilt et jouent Scotland the Brave en cornemuse, c'est en Écosse. Ce n'est pas au Texas qu'on parle une langue sœur de l'Anglais, le Braid Scots. Ce n'est pas une ville minière près de Lille où on fait la sieste avec un apéro de pastaga et joue la pétanque. Et ce n'est pas non plus en Autriche ou Bavière de cette époque que la religion chrétienne, de toute manière protestante, se fait invisible, sauf pour les très intéressés. Une ville autrichienne de 1937 n'a pas une population d'enfants issus de Berlin de 1929, dont Pony Hütchen. On comprend pourquoi le roman est apparu en Suisse et non en Autriche où se trouvait l'auteur.

Hans Georg Lundahl
Cergy
Sts. Zacharie et Élisabeth
5.XI.2025

Sancti Zachariae, Sacerdotis et Prophetae, qui pater exstitit beati Joannis Baptistae, Praecursoris Domini.

Item sanctae Elisabeth, ejusdem sanctissimi Praecursoris matris.

PS, j'ai trop peu dormi. J'avais écrit ceci :

Je vais peut-être donner un jugement un peu plus clément que ça pour Henry Winterfeld


et pourtant je ne suis pas arrivé. Mon jugement sur lui, c'est, vu que les Autrichiens parlent l'allemand, il avait jugé l'Autriche, au fond des choses, pas trop différent du Hambourg qu'il avait connu. Il ne s'était simplement pas rendu compte de ce qu'il faisait comme bourde./HGL

mardi 4 novembre 2025

Les Enfants de Timpelbach


Les Enfants de Timpelbach · Un sécularisme déplacé · Une excuse et une grâce

Tout d'abord, Mr. Henry Winterfeld a fui l'Allemagne en 1933, en Autriche. Pour certains (oui, il en était) très naturel de fuire l'Allemagne en 1933. Et puisqu'il ne quitte pas l'Autriche avant 1938, il n'a pas dû se sentir incommodé par l'Austrofascisme. En 1937, son roman est publié en Suisse. Entre autres choses, ça explique que la voiture la plus voyante du roman a encore une manivelle — même si elle marche aussi sur clef.

En plus, l'Italie étant sous Mussolini explique peut-être le délai des parents ... eh oui. Des parents outragés par le désordre semé par des jeunes de Timpelbach (à l'original Timpetill), curieusement sans ados plus âgés de 13 ... si ce n'est que les 14 et plus âgés sont en pension à Kollersheim pour le Gymnasium, Real-Gymnasium ou Realschule (trois versions du lycée en Autriche). Ces parents outragés, donc, font une conférence dans la mairie, décident de partir pour une journée pour laisser les enfants se débrouiller tous seuls, ayant pris le train à Kollersheim, ils vont en excursion dans une forêt, se trompent de sens, et sont arrêtés par des troupes frontaliers de l'autre pays. À Tyrol, ça pourra être l'Allemagne dans la Bavière, l'Italie dans la Lombardie ou dans le Tyrol de Sud ou Suisse dans les Grisons. Et ce sera des jours avant qu'ils puissent finalement revenir à la ville. Peut-être la publication en Suisse a été motivé pour qu'en Autriche il n'y ait pas de soucis avec les Italiens ou Allemands irrités pour cette description.

1937 ? C'est donc tellement avant Sa majesté des mouches que Bilbon le Hobbit est avant le premier volume du Seigneur des Anneaux. Ce n'est pas parce que le temps que les enfants sont laissés à eux-mêmes est plus court chez Winterfeld que chez Golding, que ça finit mieux. Aussi, les enfants sont chez eux, ils ne sont que provisoirement coupés des conforts de la civilisation (les parents avaient coupé l'eau et l'électricité), et les habitudes sages des temps des parents sont les meilleurs pistes pour les retrouver (avec un tout petit peu de techniques de cambriolage avec). Mais, peut-être 1954 était une année plus sombre que 1937 et Golding, irréligieux qui garde de ses origines chrétiennes protestantes l'idée du péché originel, dans la version protestante exaggérée, plus sombre que le serait un Catholique ou que le serait encore ... comme Winterfeld ... un Juif. En plus de Hambourg, aire luthérienne et donc essentiellement néopaïenne.*

Sachant qu'il était Juif, j'ai moins de goût encore pour la scène avec la statue de St. Matthieu (raison probable de la non-publication en Autriche**). Mais au moins on peut dire que la statue sauve une vie, à peu près. Il s'agit d'un garçon derrière le volant. Oui, sans permis. Vous aviez quelle expectation sur un livre où les enfants sont laissés tous seuls dans la ville ?

Mais, à différence du Golding, chez Winterfeld, au moins ce roman, même les voyous ne commettent pas de meurtres. En allemand, ses romans sur Caïus (jeune détective des temps romains) sont plus lus, je ne sais pas s'ils contiennent des meurtres./HGL

PS, ne cherchez pas Timpelbach, ou Kollersheim, sur la carte, c'est comme de chercher Syldavie sur une carte du Balkan./HGL

* Joyeuse, pas forcément pour les sdf.
** Catholique d'une manière très confessionnelle.