mercredi 5 novembre 2025

Un sécularisme déplacé


Les Enfants de Timpelbach · Un sécularisme déplacé · Une excuse et une grâce

Imaginez qu'un auteur dont on sait une connection à une église évangélique aurait imaginé un récit placé dans un village du Mexique où l'on détestait de célébrer Santa Muerte, bien qu'on soit Catholiques. Ou placé dans un village de la Chine, où l'on n'aimait pas les dragons du Nouvel An Chinois. Dans le village en Mexique, personne ne dit "Santa María" et dans le village en Chine personne ne dit à quelqu'un en difficulté "que Bouddha soit avec toi" ... "guide tes pas" (bon, ça fait longtemps que je n'ai pas lu He Pao par Vink et encore plus longtemps depuis que j'avais accès à des BD avec Marco Polo et son ami le jeune Ouïghour, les Ouïghours étant au feu royaume de Qocho encore Bouddhistes au temps de Marco Polo). On aurait conclu, sans hésiter, que l'auteur, malgré le fait de cacher son biais anti-Catholique ou anti-religions-de-la-Chine, en avait, et qu'en écrivant, il avait sacrifié le réalisme à ce biais.

Je vais peut-être donner un jugement un peu plus clément que ça pour Henry Winterfeld, mais entretemps, Timpelbach, pourtant une ville catholique, n'est ni décrit par un Catholique, ni par quelqu'un qui connaît bien le Catholicisme. Et puisque le Catholicisme d'Autriche et d'Allemagne du Sud donne des "mauvaises vibrations" à certains, je vais faire un excursus. Non, si le Catholique de cette région et de cette époque avait une tendance antisémite assez prononcée (tendance assumée mais aussi retenue chez le régime auprès duquel Henry Winterfeld fleurissait à ce temps), ce n'est pas par fondamentalisme à propos la prière Oremus et pro perfidis judæis. Ce n'est pas en ignorant tout ce qui s'est passé depuis la Crucifixion. Ce n'est pas même en souvenir de martyrs garçons (Bx. Simon de Trente, que je considère effectivement égorgé par des Juifs, très minoritaires et mal à l'aise dans cette ville, Bx. Andrée de Rinn, pour lequel je pense plutôt que des Juifs strictement absents ont servi pour innocenter l'oncle que je considère comme le vrai coupable, probablement pour avoir l'excuse du lévirat pour épouser la mère du Bx. Andrée, veuve, mais ayant un fils, un héritier mâle, jusqu'à la mort d'Andrée). Non, c'est par une méprise, quelque part ridicule, mais pas incompréhensible, de ce qui se passait dans la Commune.

Récit réel, pour deux faits. D'un côté, les Rothschild soignent gratuitement les Communards, et en gratitude, quand ceux-ci pillent des villas des riches, ils épargnent les Rothschild. De l'autre côté, Auguste Blanqui est une ordure d'anticlérical, et il conseille ou ordonne aux communards d'égorger les ôtages, dont l'archevêque de Paris. Les deux fait ne sont pas cause et effet, ils sont deux effets séparés du fait que les Socialistes (d'une école anglaise) étaient à la fois contre l'Église Catholique et plutôt pour les Juifs et les Franc-Maçons, dont les Rothschild et Blanqui.

Récit raccourci. On omet que les Rothschild soignent gratuitement les Communards. On omet le mobile de la gratitude. On omet le rôle de Blanqui. La perspective qui en résulte est à peu près que les Rothschild manipulent la Commune à sa perte et aussi à l'égorgément des prêtres catholiques. C'est comme ça que les germanophones catholiques voyaient les relations entre Juifs, Socialisme et Anticléricalisme on ne peut plus farouche. On ne peut pas prétendre que la Révolution russe avait pu raisonnablement à leur changer les idées là-dessus. C'est comme ça, faut pas en vouloir plus que ça, même si vous êtes (par quelque hasard qui arrive parmi mes lecteurs) Juif.

J'espère avoir dédémonisé le Catholicisme sud-allemand et autrichien des décennies avant la Seconde Guerre mondiale, et je vais maintenant dire un mot sur le fait comment il manque au récit de Winterfeld.

Le héro et l'écrivain du récit dans le récit, Michael Manfred, a du flair pour les choses techniques. Il a vu comment on conduit une voiture, mais il ne l'a jamais fait. Il se planque et se trouve en train d'aller en arrière et il est arrêté par la statue de St. Matthieu. L'automobile s'arrête. La statue tombe. Je pensais pourtant que la statue se trouvait dans une fontaine un peu plus vaste, et je pensais que la fontaine allait amorcer l'essor en arrière de la voiture, mais bon. La statue tombe, et les enfants sont un peu choqués. Mais personne entre eux pense à dire "pardon, Matthieu" et personne ne fait un signe de la croix en prière de réparation. C'est comme si une statue de St. Matthieu à Timpelbach et une statue à Martin Luther par l'Église de St. Michel à Hambourg, c'est kif kif ... pas de quoi enthousiasmer personne.

En fait, personne ne fait un signe de la croix, personne ne dit "Jésus, Marie, à l'aide" (en allemand "Jesus, Maria, hilf!"), personne ne prie un Ave Maria, personne ne marmonne un chapelet.

Les enfants de Timplebach ne sont pas d'Autriche, surtout pas de l'Autriche de cette époque là, ils sont de Hambourg, ou Berlin, où Bismarck avait fait une œuvre parallèle à Jules Ferry et à Émile Combes, et où donc la jeunesse se passait assez bien de religion, à moins de verser dans l'idéalisme. Si vous connaissez le personnage Pony Hütchen et le roman Emil und die Detective, vous savez exactement de quel genre de jeunesse je pense. Personne ne prie, parce que personne a une foi prononcée en Dieu. Pour Berlin de l'époque d'Erich Kästner, pas mal vu. Très juste. Et le Hambourg que Henry Winterfeld avait connu avant de se réfugier en Autriche, pas trop différent. Mais Autriche était à cette Allemagne à peu près ce que Mâlines au temps du Cardinal Mercier était à la Troisième République. Le Catholique a une relation à la fois sacrée et personnelle avec St. Matthieu, même en simple statue. Winterfeld n'aurait jamais écrit pareil sur les téfilim d'un Juif harédi.

Et si Timpelbach a une église, pourquoi le curé est-il totalement absent de l'histoire ? Winterfeld l'ignorait peut-être, mais normalement une église catholique est desservi par un prêtre qui célèbre la Messe chaque jour. Imaginer que l'Église de St. Matthieu (c'est dit église et non chapelle !) ait pu rester vide, à part la sonnerie des cloches (que Winterfeld a le bon goût de noter), même en semaine, pour quelqu'un qui connaît la religion catholique, c'est de la pure folie. Ce n'est pas comme de nos jours de déchristianisation et de déruralisation, où le dénier de trois ou cinq églises de nos jours baisse en dessous le dénier qu'avait autrefois une seule, en termes du pouvoir d'achat. Ah non. Autriche des années 1930, le Catholicisme était fort (et il était le rempart du régime Austrofasciste et donc du réfuge qu'avait trouvé Henrey Winterfeld). Vous vouliez sortir de l'Église ? Vous deviez vous soumettre à une examination par psychiatre, ou en pays de Salzbourg, six semaines d'arrestation chez la police avant d'avoir le dossier considéré. Un Catholicisme tellement fort a une forte base populaire, il n'est pas possible d'imaginer un Timpelbach en 1937 qui aurait manqué du prêtre. À la limite, il aurait fallu expliquer que le vieux curé avait dû partir en hôpital et même alors un chapelain pour le remplacer temporairement aurait été trouvé quelque part à Kollersheim en moins de 24 heures.

Il est également impossible qu'un curé Catholique aurait délaissé son église pour obéir à l'injonction de la mairie. Il n'aurait pas délaissé la sacristie et encore moins le tabernacle à une ville remplie d'enfants voyous. Et il n'aurait pas délaissé les enfants non plus. Willy Hak au moins, ayant fait peine à un chat sans aucune nécessité ou utilité, se trouvait en péché mortel, et le prêtre aurait voulu être là pour entendre la confession, même si elle risquait de tarder.

Impossible également qu'il n'aurait pas fait d'objections au plan, et, Timpelbach n'étant pas Clochemerle, impossible qu'on ne l'aurait pas entendu. Et encore, s'il avait par quelque insouciance pu se déplacer avec les autres pour une excursion, impossible que les gardiens de frontière à l'Italie n'auraient pas respecté son avis qu'il fallait vite retourner aux enfants. Mais peut-être Timpelbach serat plutôt censé se trouver vers la frontière de Bavière, et pourtant, même NS par commodité, là-bas, ils auraient respecté un prêtre catholique. Les NS ont certes persécuté l'Église, mais en des mesures diverses, c'est plus facile de priver un évêque catholique de permis (il avait roulé vite en allant vers un mourant) s'il se trouve à Dresde (ville natale d'Erich Kästner) que s'il se trouve à Munich.

À part le mauvais goût sur la statue, il y a un manque très pertinant de documentation sur le genre de situation, un manque de réalisme. Ce n'est pas à Cornouailles que les hommes portent le kilt et jouent Scotland the Brave en cornemuse, c'est en Écosse. Ce n'est pas au Texas qu'on parle une langue sœur de l'Anglais, le Braid Scots. Ce n'est pas une ville minière près de Lille où on fait la sieste avec un apéro de pastaga et joue la pétanque. Et ce n'est pas non plus en Autriche ou Bavière de cette époque que la religion chrétienne, de toute manière protestante, se fait invisible, sauf pour les très intéressés. Une ville autrichienne de 1937 n'a pas une population d'enfants issus de Berlin de 1929, dont Pony Hütchen. On comprend pourquoi le roman est apparu en Suisse et non en Autriche où se trouvait l'auteur.

Hans Georg Lundahl
Cergy
Sts. Zacharie et Élisabeth
5.XI.2025

Sancti Zachariae, Sacerdotis et Prophetae, qui pater exstitit beati Joannis Baptistae, Praecursoris Domini.

Item sanctae Elisabeth, ejusdem sanctissimi Praecursoris matris.

PS, j'ai trop peu dormi. J'avais écrit ceci :

Je vais peut-être donner un jugement un peu plus clément que ça pour Henry Winterfeld


et pourtant je ne suis pas arrivé. Mon jugement sur lui, c'est, vu que les Autrichiens parlent l'allemand, il avait jugé l'Autriche, au fond des choses, pas trop différent du Hambourg qu'il avait connu. Il ne s'était simplement pas rendu compte de ce qu'il faisait comme bourde./HGL

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